Les cinquante premières années du Syndicat de la Librairie Ancienne et du Commerce de l’Estampe en Suisse

Alfred Frauendorfer

En 1971, dans la nuit du dimanche au lundi de Pentecôte, Alfred Frauendorfer fut emporté par une mort inattendue, à l'aube de 68eme anniversaire. Initiateur, membre fondateur, ayant siégé de nombreuses années au comité et président du Slaces de 1954 à 1959, il fut également membre du comité de la Ligue de 1959 à 1964. Ne à Vienne, il vint travailler en Suisse en 1929, à L'Art Ancien (qui venait juste de déménager à Zurich) dont il fut le directeur en 1938 et auquel il donna un prestige considérable. La multiplicité de ses connaissances, sa personnalité sociable et son sens de l'humour ont fortement impressionne ceux qui le connaissaient.

La première moitié des années 70 se caractérisa par une inflation toujours plus rapide (la première dévaluation du dollar eut lieu en 1971) et une évolution alarmante des prix. Simultanément, la plaie des vols prit aussi de l'ampleur et on commença à installer des ‘systèmes téléphoniques d'information des vols’, tant au niveau national qu'international. Des plans furent même faits au niveau international, pour enregistrer sur ordinateur les objets volés et fournir aux membres l'accès aux informations ainsi réunies. Le projet donna lieu à de nombreuses discussion, mais il ne put pas être réalisé dans la forme prévue, une des raisons, et non des moindres, étant la diversité des dispositions légales dans les pays affiliés à la Ligue.

En 1973, Aug. Laube junior reçut un second mandat de président (jusqu'en 1978) et devint ainsi le président du Slaces le plus longtemps en exercice. La même année, un congrès de la Ligue, auquel trois de nos membres participèrent, fut organisé pour la première fois au Japon, en même temps qu'un salon international. Dans le cadre de la Ligue, ce congrès en Extrême-Orient signifiait un vaste élargissement des relations personnelles et commerciales, comme l'avait été à l'époque (1955) le premier congrès organisé en Amérique.

Congrès de l'’Association Internationales des Bibliophiles

En automne 1975, les libraires antiquaires zurichois reçurent une importante visite, puisque le congres de l'’Association Internationales des Bibliophiles’ fut tenu dans leur ville. A cette occasion, les zurichois publièrent un répertoire séparé de leurs membres et organisèrent à l'Hôtel Dolder une ‘petite mais élégante’ exposition; les participants se rappellent avec plaisir de la réception offerte dans la maison accueillante du collectionneur Guiseppe Gherzi.

Une exposition remarquable «Les 50 ans de l'Association des commerçants d'art», au succès de laquelle participèrent quelques-uns de nos membres (L'Art Ancien, G. Cramer, E. Engelberts, Galerie Fischer, Kornfeld & Klipstein, et Aug. Laube), fut tenue à Zurich, de septembre à novembre 1973.

TVA

En 1970, eurent également lieu les discussions sur le remplacement, prévu par la Confédération, de la règlementation existante de l'ICHA par un nouvel impôt sur la valeur ajoutée (TVA). La défense des intérêts de notre syndicat demanda beaucoup de temps à notre président. En se joignant aux associations alliées du commerce d'art dans le cadre d'une organisation faitière (sous la direction efficace de E. W. Kornfeld) et avec le SBVV pour les questions concernant les livres, il fallait essayer, par des requêtes au Grand Conseil et au Conseil des Etats, de faire baisser les taux d'imposition prévus à un niveau supportable. Il fut du moins possible (selon le rapport annuel 1976/77) d'obtenir que «la TVA de 10% sur l'art et les antiquités soit applicable non sur le prix de vente brut mais sur le bénéfice brut. Les livres restent, comme prévu, soumis à une imposition de 3% sur le prix de vente brut ce qui, compte tenu de l'immense appétit financier de notre état, correspond à un succès personnel du SBVV. Il eut été trop beau d'obtenir que les livres soient complètement exonérés de la TVA». Cette ‘exonération’ fut acquise, du moins en attendant, lors de la votation populaire de 1979, qui rejeta même le projet réduit d'impôt sur la valeur ajoutée.

En 1976, le SBVV adopta un nouveau règlement de marche qui allait entrainer des changements sensibles pour les libraires antiquaires qui n'étaient encore, en leur qualité de libraires, affilies au SBVV. Alors que, jusqu'à présent, le Slaces était affilié au SBVV en tant que syndicat allié et payait à cet effet une cotisation annuelle collective de fr. 300.-, les ‘purs’ libraires antiquaires furent dorénavant aussi intégrés en tant que membres individuels, moyennant une cotisation annuelle personnelle de fr. 80.-. En contrepartie, le membre reçoit le journal officiel du SBVV, ‘La libraire suisse’ (qui, de fait, est également notre moyen de communication, mais n’est malheureusement presque plus utilisé) et peut acheter de nouveaux livres pour son usage personnel (bibliothèque de référence et lectures diverses - si ces dernières n'existent pas en quantité suffisante dans son magasin) en bénéficiant des rabais usuels des libraires. Il peut également bénéficier des bons services du Centre suisse du livre à Olten, ce qui peut justement être utile au libraire antiquaire pur, lorsque, par ex., il veut se procurer un livre d'un éditeur éloigné (ou d'une grande maison d'édition qui n'exécute plus les commandes isolées) ou qu'il souhaite simplement connaitre l'adresse d'un éditeur.

Herbert Lang et Michael Slatkine

La seconde moitie des années 70 enregistra un fléchissement de la haute conjoncture qui était devenue incontrôlable et les turbulences monétaires occasionnées provoquèrent quelques incertitudes, aussi bien en matière d'exportation que d'importation. Mais ce fut une période tranquille pour le syndicat, et plus encore pour la ‘vie du syndicat’. Deux autres membres fondateurs moururent en 1975: Herbert Lang à Berne (le 11 juillet, à l'âge de 77 ans), qui s'engagea surtout en faveur du SBVV où il fut très apprécié; et Michael Slatkine (le 8 juillet): ne à Rostow sur le Don en 1901, Slatkine vint avec sa famille à Genève, en 1905, et sa carrière professionnelle débuta en 1918, lorsque les conséquences économiques de la première guerre mondiale contraignirent sa famille à vendre leur bibliothèque pour se créer une nouvelle existence. Slatkine, un personnage marquant et courtois, qui conclût sa vie comme «grand libraire», fut à plusieurs reprises membre de notre comité et exerça la charge de président de 1960 à 1962. 

Membres d’honneur

En 1978, la Suisse reçut pour la troisième fois un congrès de la Ligue. L'invitation était déjà partie quelques années auparavant mais il y eut quelques flottements en raison de la date - on passait alors à un changement de pas à un rythme bisannuel afin d'éviter que le congrès de la Ligue et celui de la Bibliophilie Internationale ne s'entrecoupent. Le congrès de la Ligue fut finalement tenu à Zurich, du 17 au 20 septembre. Cette manifestation n'engendra pas seulement davantage de mouvement et de collaboration dans la vie du syndicat, mais également beaucoup de discussions et de travail pour les membres directement concernés. Certes, tout le monde convenait du choix de Zurich - Genève et Bâle ayant déjà eu ‘leur congrès’ - mais les nombreuses discussions portèrent sur l'organisation ou non d'une foire à la suite de congrès, ce qui, depuis quelques années, était devenu une coutume lors des congrès de la Ligue. La décision définitive alla également dans ce sens et le travail effectif put commencer. Deux comites furent constitués, le premier, dirigé par Aug. Laube junior, pour le congrès, le second pour l'exposition.Planifié avec minutie, le congres commença le lundi matin par l'Assemblée générale; l'après-midi, les participants et leurs accompagnantes furent salués par le maire de la ville, ä l'occasion d'une exposition de Max Ernst au Kunsthaus; le soir, une promenade sur le lac, avec repas et danse, leur permit de se divertir: Le deuxième jour fut occupe par une excursion qui les mena d'abord à Winthertour, où ils purent admirer les célèbres tableaux de la fondation Oskar Reinhart, puis à St. Gall, où ils visitèrent la fameuse Stiftsbibliothek et la bibliothèque de la ville (Vadiana). Le lendemain, dernier jour du congres, la bibliothèque centrale de Zurich avait encore préparé une exposition et le soir, les participants et les autres invites, réunis par le traditionnel ‘diner d'adieux’ à l'Hôtel Baur au Lac, purent s'adonner aux joies de la table et de la danse.La foire qui suivit au Palais des congrès de Zurich (du 21 au 24 septembre) fut réalisée avec la collaboration d'un organisateur professionnel, qui apportait son expérience des équipements techniques et d'excellentes relations avec la presse, alors que de notre côté, nous fournissions notre connaissance des conditions et des exigences particulières liées à une exposition de livres et d'ouvrages graphiques. C'était la première fois qu'une telle foire était réalisée en Suisse; avec près de 100 exposants du monde entier et environ 4000 visiteurs, elle fut certainement considérée comme un succès. Le nombre des visiteurs resta certes en-des-sous des espérances, mais il faut préciser qu'il faisait particulièrement beau en ce week-end d'automne et que de nombreux zurichois avaient préféré jouir du plein air plutôt que d'une exposition. Comme à toutes les foires, les exposants étaient plus ou moins satisfaits ou insatisfaits de leurs ventes. Le niveau alors élevé du franc suisse, qui resta comme un mauvais souvenir sur le cœur de nombreux congressistes et visiteurs-étrangers, fut certainement un obstacle aux affaires. Les exposants et leurs collaborateurs gardèrent sûrement un meilleur, voire même un excellent souvenir de la fête de clôture de la foire, lorsqu'ils virent soudain un célèbre chanteur de jazz noir se joindre à l'orchestre, enthousiasmer par sa présentation public étonné et faire oublier au dernier exposant, qui méditait encore sur ses résultats, que son chiffre d'affaires avait été moindre que prévu.

•  1980 - 1989